Projet de loi C-47 : Entrée en vigueur des nouvelles règles relatives aux opérations à déclarer et à signaler

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Le 22 juin 2023, le projet de loi C-47, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 28 mars 2023, a reçu la sanction royale. Ce projet de loi introduit de nouvelles règles qui (i) élargissent considérablement l’étendue des circonstances dans lesquelles un contribuable et ses conseillers doivent déclarer certaines opérations à l’Agence du revenu du Canada (l’« ARC ») et (ii) haussent considérablement les pénalités imposées aux parties qui ne déclarent pas de telles opérations. Ces règles sont applicables aux opérations réalisées après le 22 juin 2023. Le présent bulletin fournit un bref résumé de ces nouvelles règles et des sanctions applicables.[1]

Opérations à déclarer

Le projet de loi C-47 modifie les règles existantes en matière d’opérations à déclarer, en élargissant considérablement leur champ d’application.

En général, en vertu des nouvelles règles, chacune des personnes suivantes est tenue de produire une déclaration de renseignements concernant une opération à déclarer : (i) une personne à l’égard de laquelle un avantage fiscal découle (ou devrait découler) d’une opération à déclarer (ii) une personne qui a conclu une opération à déclarer au profit de la personne visée en (i); et (iii) un conseiller ou promoteur qui, relativement à une opération à déclarer, a droit à des « honoraires conditionnels » (voir la description des honoraires conditionnels ci-dessous).[2] La désignation de conseiller inclue toute personne qui a fourni une assistance ou des conseils relativement à une transaction.[3] La désignation de promoteur inclue une personne qui fait la promotion ou la vente d’un plan, d’un régime ou d’un arrangement relativement à une transaction.[4]

Une « opération à déclarer » est une opération d’évitement conclue par une personne ou à son profit et qui présente l’une des trois caractéristiques suivantes (voir ci-dessous; avant les amendements, une opération ne constituait une opération à déclarer que si elle présentait deux de ces trois caractéristiques). Une opération d’évitement est une opération dont il est raisonnable de considérer que l’un des principaux objectifs, ou l’un des principaux objectifs de la série d’opérations dont elle fait partie, est d’obtenir un avantage fiscal, par exemple une réduction, un évitement ou un report de l’impôt.[5] Les trois caractéristiques sont les suivantes :

  1. Honoraires conditionnels – Un conseiller ou un promoteur a droit à des honoraires (i) calculés selon le montant de l’avantage fiscal résultant d’une transaction; (ii) conditionnels à l’obtention d’un avantage fiscal résultant de la transaction (ou remboursables si la transaction ne donne pas d’avantage fiscal); ou (iii) attribuables au nombre de personnes participant à la transaction ou à une transaction similaire (ou attribuables au nombre de personnes ayant accès à des conseils sur les conséquences fiscales de la transaction ou d’une transaction similaire).

    L’ARC a fourni une liste de frais qu’elle ne considérerait généralement pas comme des « honoraires conditionnels » aux fins de ces règles. Ces frais comprennent : (i) des frais facturés par une institution financière à l’égard de certains produits de placement et comptes financiers (par exemple, des frais facturés pour l’établissement et l’administration courante d’un REER); (ii) des frais pour la demande de crédits d’impôt RS&DE; (iii) des frais pour la préparation d’une déclaration de revenus annuelle qui permet à un contribuable d’obtenir un remboursement d’impôt, y compris des crédits d’impôt personnels ; (iv) des frais fondés sur le nombre de déclarations de choix en matière d’impôt sur le revenu préparées et produites à l’égard d’une opération ou d’une série d’opérations ; (v) des frais basés uniquement sur la valeur d’un service fourni à l’égard d’une opération ou d’une série d’opérations, et qui sont déterminés de manière indépendante des résultats fiscaux de l’opération ou de la série; et (vi) des frais de litige conditionnels dans le cadre d’un appel d’une cotisation fiscale établie à l’égard d’un avantage fiscal découlant d’une opération ou d’une série d’opérations achevée. [6]
  1. Droit à la confidentialité – Un conseiller ou un promoteur obtient le « droit à la confidentialité » (p. ex., toute interdiction de communication des détails ou de la structure d’une transaction) assurant la confidentialité relativement à un traitement fiscal d’une opération, vis-à-vis : (i) dans le cas d’un conseiller, d’une personne à laquelle il a fourni une assistance ou des conseils concernant la transaction; et (ii) dans le cas d’un promoteur, d’une personne à laquelle un arrangement, un plan ou un régime a été vendu (entre autres personnes). À cet effet, l’ARC a précisé qu’une protection des secrets commerciaux qui ne sont pas liés à l’impôt ne donne pas lieu à une exigence de déclaration.
  1. Protection contractuelle – Le contribuable, une personne qui a conclu la transaction pour le compte du contribuable, ou un conseiller ou un promoteur a obtenu une « protection contractuelle » relativement à la transaction. La protection contractuelle comprend toute forme d’assurance ou autre protection (p. ex., une indemnité, une compensation ou une garantie) qui (i) protège une personne contre tout défaut de la transaction de produire un avantage fiscal; ou (ii) rembourse à une personne toute somme – dépense, frais, impôt, taxe, intérêts, pénalités ou montant semblable –engagée par une personne dans le cadre d’un différend relatif à un avantage fiscal découlant de la transaction. Toutefois, la notion de protection contractuelle ne comprend pas l’assurance responsabilité professionnelle standard ou certaines assurances, protections ou indemnisations faisant partie intégrante d’un accord entre des parties indépendantes pour la vente d’une entreprise.

    L’ARC a fourni une liste d’éléments qu’elle ne considérerait généralement pas comme une « protection contractuelle » aux fins de ces règles. Ces éléments comprennent : (i) l’assurance responsabilité professionnelle normale des fiscalistes ; (ii) les déclarations et garanties standard entre un vendeur et un acheteur généralement obtenues dans le contexte commercial ordinaire des opérations de fusion et d’acquisition; (iii) certaines polices d’assurance faisant partie intégrante d’une entente conclue entre des personnes sans lien de dépendance pour la vente d’une entreprise (comme indiqué ci-dessus) ; (iv) les clauses de rajustement de prix standards ; (v) une décision anticipée en matière d’impôt sur le revenu ; (vi) une entente relative à des frais de litige conditionnels dans le cadre d’un appel d’une cotisation fiscale établie à l’égard d’un avantage fiscal découlant d’une opération ou d’une série d’opérations achevée; ou (vii) une indemnité en vertu du document relatif au REER (fourni par une banque) en vertu de laquelle un client doit indemniser le fiduciaire du REER dans le cas où le REER deviendrait assujetti à l’impôt. [7]

L’ARC a précisé qu’une transaction ne constituera pas une transaction à déclarer dans la mesure où elle ne possède aucune des trois caractéristiques décrites ci-dessus, et ce, même si la transaction se traduit par un avantage fiscal. Cela pourrait comprendre, entre autres, des opérations comme les gels successoraux, les restructurations de dette, les ententes de consolidation des pertes, les remboursements de prêts aux actionnaires, les opérations de purification, les demandes d’exonération des gains en capital, les réorganisations entraînant une division et les swaps de change. [8]

Opérations à signaler

Le projet de loi C-47 a introduit de nouvelles règles concernant les opérations à signaler. Ces règles sont distinctes et s’appliquent indépendamment des règles relatives aux opérations à déclarer décrites ci-dessus.

Chacune des personnes suivantes est tenue de produire une déclaration de renseignements relativement à une opération à signaler : (i) une personne à l’égard de laquelle un avantage fiscal découle (ou devrait découler) d’une opération à signaler; (ii) une personne qui a conclu une opération à signaler au profit d’une personne visée en (i); et (iii) un conseiller ou promoteur relativement à une opération à signaler (qu’il ait ou non droit à des honoraires conditionnels).

Une « opération à signaler » comprend (i) toute opération désignée par l’ARC comme étant à signaler et (ii) toute opération identique ou sensiblement semblable à une opération décrite en (i). En 2022, l’ARC a publié une liste d’exemples d’opérations à signaler. Cette liste comprend entre autres des opérations liées à la manipulation du statut de société privée sous contrôle canadien (SPCC), des opérations de création de pertes sur opérations de chevauchement au moyen d’une société de personnes et des opérations qui permettent l’évitement de la règle sur la disposition réputée aux 21 ans applicable aux fiducies. Toutefois, on ne sait pas encore à quel moment l’ARC publiera une liste officielle des opérations à signaler.

Pénalités

Si un contribuable omet de produire une déclaration de renseignements concernant une opération à déclarer ou un opération à signaler au plus tard à la date prescrite (généralement 90 jours après la date de conclusion de l’opération visée, quoique la date d’échéance puisse être plus tôt), le contribuable sera passible d’une pénalité équivalente : (i) si le contribuable est une société de grande envergure (c’est-à-dire dont la valeur comptable des actifs est égale ou supérieure à 50 millions de dollars), au produit de 2 000 $ multiplié par le nombre de semaines où le défaut persiste, jusqu’à concurrence de la somme la plus élevée entre 100 000 $ ou 25 % du montant de l’avantage fiscal recherché; et (ii) dans les cas où le contribuable n’est pas une société de grande envergure, au produit de 500 $ multiplié par le nombre de semaines où le défaut persiste, jusqu’à concurrence de la somme la plus élevée entre 25 000 $ ou 25 % du montant de l’avantage fiscal recherché.

Si un conseiller ou un promoteur omet de déposer une déclaration de renseignements concernant une opération à déclarer ou une opération à signaler au plus tard à la date prescrite (comme indiqué ci-dessus), le conseiller ou le promoteur sera passible d’une pénalité équivalant au total des sommes suivantes : (i) les honoraires facturés par cette personne relativement à l’opération à déclarer ou l’opération à signaler; (ii) 10 000 $; et (iii) le produit de 1 000 $ multiplié par le nombre de jours où le défaut persiste, jusqu’à concurrence de 100 000 $.

Les nouvelles règles prévoient des protections fondées sur la « diligence raisonnable ». Dans le cas d’une opération à déclarer, si une personne a fait preuve du degré de soin, de diligence et de compétence qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables pour éviter un défaut de production d’une déclaration de renseignements, cette personne ne sera pas passible d’une pénalité à cet égard. Dans le cas d’une opération à signaler, si un contribuable ayant conclu une opération à signaler (ou ayant réalisé un avantage fiscal dans le cadre d’une opération à signaler) a fait preuve du degré de soin, de diligence et de compétence qu’une personne raisonnablement prudente aurait exercé dans des circonstances comparables pour déterminer si l’opération était effectivement une opération à signaler, le contribuable ne sera pas tenu de produire une déclaration relative à l’opération en question. Cette protection ne s’étend pas aux conseillers ou aux promoteurs relativement à une opération à signaler; toutefois, les règles prévoient à leur égard une exception distincte relativement à la « connaissance » (raisonnable), applicable dans le cadre d’une opération à signaler.

Autres informations

Les nouvelles règles relatives aux opérations à déclarer et aux opérations à signaler imposent d’importantes obligations aux contribuables et à leurs conseillers. En particulier, un conseiller devra faire preuve d’une diligence appropriée à l’égard d’une opération afin de déterminer : (i) si l’opération en question constitue une opération à déclarer ou une opération à signaler; et (ii) si les nouvelles règles imposent des obligations de déclaration au conseiller ou à tout client à qui ce conseiller fournit des conseils à l’égard de l’opération. Un « conseiller » peut être à la fois un professionnel de la fiscalité et un non-professionnel de la fiscalité (c’est-à-dire une personne qui ne fournit aucune forme de conseil fiscal en ce qui concerne l’opération).

Bien que ces règles aient une portée assez large, les contribuables (et leurs conseillers) pourraient bénéficier de certains allègements en vertu des exceptions relatives à la diligence raisonnable (décrites ci-dessus). En outre, les nouvelles règles reconnaissent qu’une personne ne sera pas tenue de divulguer des renseignements quant à une opération dans la mesure où (i) elle ne fournit que des services administratifs ou de secrétariat dans le cadre de l’opération; ou (ii) ces renseignements sont couverts par le secret professionnel de l’avocat. Cette dernière exception est particulièrement cruciale pour les avocats, car l’obligation de divulguer des informations à l’ARC peut entrer en conflit avec leurs obligations professionnelles à l’égard d’un client. Si vous avez des questions concernant les nouvelles règles relatives aux opérations à déclarer et à signaler, veuillez communiquer avec Ronald Nobrega à l’adresse rnobrega@fasken.com ou avec Devon LaBuik à l’adresse dlabuik@fasken.com.

[1]       Le projet de loi C-47 contient également de nouvelles règles concernant le traitement fiscal incertain. Toutefois, l’examen de ces règles dépasse le mandat du présent bulletin.

[2]       Les honoraires conditionnels comprennent également les honoraires relatifs à la protection contractuelle.

[3]       Le terme « conseiller » désigne également toute personne qui fournit une protection contractuelle dans le cadre d’une opération ou d’une série d’opérations.

[4]       Un contribuable peut également avoir l’obligation de communiquer une opération à déclarer dans la mesure où il a conclu une série d’opérations qui inclut l’opération à déclarer (et par laquelle il bénéficie d’un avantage fiscal).

[5]       Les règles prévoient des exceptions pour les opérations qui impliquent l’acquisition d’un abri fiscal ou l’émission d’une action accréditive pour laquelle une déclaration de renseignements a déjà été déposée auprès de l’ARC.

[6]       Voir : https://www.canada.ca/fr/agence-revenu/programmes/a-propos-agence-revenu-canada-arc/observation/reles-divulgation-obligatoire-apercu/document-lignes-directrices.html#toc7

[7]       Ibid.

[8]       Ibid.

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