COVID-19 : Assouplissements administratifs de la part de l’Agence du revenu du Canada (« ARC ») en matière de fiscalité internationale

Compte tenu de la crise de la COVID-19 et des interruptions de déplacement décrétées par le Canada et d’autres juridictions ainsi que par les entreprises (les « restrictions de voyage »), l’ARC a assoupli de façon temporaire sa façon d’administrer certains critères d’assujettissement contenus dans la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (« LIR ») pour tenir compte de la présence « forcée » et involontaire de plusieurs non-résidents au Canada pendant une période prolongée. Personne ne sait combien de temps resteront en vigueur ces restrictions de voyage et les directives décrites ci-dessous, qui s’appliquent du 16 mars au 29 juin 2020, pourraient être prolongées par l’ARC au besoin.

Résidence réputée : règle des 183 jours

L’assujettissement d’un individu à l’impôt canadien est fonction de sa résidence fiscale, situation qui demeure essentiellement une question de fait tranchée selon des critères de rattachement établis par la common law. Par contre, et sous réserve de toute convention fiscale applicable, un non-résident qui, dans une année civile, séjourne au Canada plus de 183 jours est réputé être un résident fiscal canadien pour l’année entière et il devient donc assujetti à l’impôt canadien sur son revenu de source mondiale.

Pour l’application des critères de common law ainsi que pour le calcul des 183 jours de présence au Canada, l’ARC a indiqué que ne seraient pas pris en compte la présence au Canada ni les jours de présence au Canada alors que l’individu ne peut pas retourner dans son pays de résidence uniquement en raison des restrictions de voyage. Cette position n’est cependant valable qu’à l’égard des individus qui sont par ailleurs résidents d’un autre pays, qui ont l’intention d’y retourner et qui, dans les faits, y retournent dès que possible une fois les restrictions de voyage levées.

Résidence fiscale d’une société non canadienne

Tout comme pour les individus et toujours sous réserve de toute convention fiscale applicable, la résidence fiscale canadienne d’une société non canadienne peut être établie selon les critères développés par la common law, soit en fonction de l’endroit où est situé son centre de gestion et de contrôle (« mind and management »). Parmi les facteurs à considérer, l’un des plus importants demeure l’endroit (i.e. la juridiction) où se tiennent les réunions du conseil d’administration.

Il est possible qu’en raison des restrictions de voyage, certains individus non-résidents participent à des réunions du conseil de sociétés étrangères alors qu’ils sont confinés au Canada, ce qui pourrait être un facteur important, voire déterminant, dans l’établissement d’une résidence fiscale canadienne pour ces sociétés. Même si la plupart des conventions fiscales contiennent des règles de bris d’égalité (« tie-breaker ») en présence de double résidence fiscale d’une société favorisant la juridiction de constitution, il existe d’autres conventions où les règles de départage tiennent compte, entre autres choses, de l’endroit où la gestion des affaires de la société a effectivement lieu.

D’un point de vue administratif, l’ARC ne considérera pas que la participation d’individus non-résidents confinés au Canada en raison des restrictions de voyage à des réunions de conseil d’administration de sociétés non canadiennes sera à elle seule suffisante pour que ces sociétés deviennent résidentes du Canada. Par contre, pour ce qui est des sociétés résidentes dans des juridictions « non–conventionnées », le problème de double résidence potentiel sera déterminé au cas par cas. L’ARC a également précisé que cette approche administrative sera aussi applicable dans le cas où d’autres entités, telles que des sociétés à responsabilité limitée, constituées dans des juridictions étrangères, sont considérées comme des sociétés aux fins de la législation fiscale canadienne. Finalement, si les circonstances le justifient, l’ARC considérera l’adoption d’une approche similaire afin de déterminer le statut de résidence d’une fiducie commerciale.

Il est cependant important de rappeler que l’ARC peut toujours conclure qu’une société non canadienne est résidente du Canada lorsque la gestion et le contrôle réels de la société ont lieu au Canada, même si les réunions du conseil d’administration ont eu lieu ailleurs.

Établissement stable

Toute entité non-résidente, qu’elle soit d’une juridiction conventionnée ou non, qui exploite une entreprise au Canada à un moment quelconque d’une année doit produire une déclaration de revenu canadienne pour l’année. Les conventions fiscales signées par le Canada prévoient cependant que le revenu d’entreprise généré au Canada par une entité résidente d’une juridiction conventionnée n’est imposable au Canada que si cette entreprise est exploitée au Canada par le biais d’un établissement stable, concept qui inclut la présence au Canada d’un employé ayant la capacité de lier l’entité étrangère.

Il est possible qu’en raison des restrictions de voyage, des employés non-résidents qui travaillent régulièrement à l’extérieur du Canada soient confinés au Canada et qu’ils y exécutent leurs fonctions. À la lumière de ces circonstances exceptionnelles, l’ARC ne considérera pas que le seul fait que des employés d’une entité non-résidente doivent exécuter leurs fonctions au Canada à cause des restrictions de voyage soit suffisant pour que cette entité ait un établissement stable au Canada. L’ARC adopte la même position à l’égard de la situation d’un agent dépendant qui conclut des contrats au Canada au nom d’une entité non-résidente durant les restrictions de voyage dans la mesure où ces activités sont limitées à la période durant laquelle ces restrictions sont en vigueur et que ces activités n’auraient pas eu lieu au Canada si ce n’avait été de ces restrictions. Dans le cas d’une entité résidente d’une juridiction « non-conventionnée » où l’existence d’un établissement stable n’est pas requis pour l’assujettissement à l’impôt canadien, l’ARC évaluera au cas par cas la possibilité d’assouplissements administratifs dans les situations où l’entité peut démontrer qu’elle exploitait une entreprise au Canada uniquement en raison des restrictions de voyage.

Finalement, pour les fins du test des 183 jours de présence au Canada applicable pour les fins d’un «établissement stable de services» selon le paragraphe 9a) de l’article V de la Convention fiscale entre le Canada et les États-Unis, l’ARC exclura tout jour de présence physique au Canada qui est uniquement dû aux restrictions de voyage.

Revenu d’emploi transfrontalier

De façon générale, tout individu non-résident qui exerce un emploi au Canada est assujetti à l’impôt canadien sur son revenu d’emploi alors qu’il est présent au Canada. Certaines conventions fiscales, comme celle avec les États-Unis, prévoient cependant qu’un employé non-résident n’est pas assujetti à l’impôt canadien sur son revenu d’emploi gagné alors qu’il est physiquement présent au Canada si le revenu ne dépasse pas un certain seuil et s’il a été présent au Canada moins de 184 jours dans n’importe quelle période de 12 mois..

Pour tenir compte de la situation exceptionnelle de la pandémie, l’ARC a indiqué que pour les fins du calcul des 184 jours, ne seront pas pris en compte les jours où l’employé exerce ses fonctions au Canada uniquement en raison des restrictions de voyage.

Demandes de dérogation

De façon générale, et sous réserve d’exception très limitées, toute personne qui verse une rémunération à un non-résident pour services rendus au Canada doit retenir et remettre à l’ARC 15% du montant payable (« Règlement 105 »). De même, tout employeur doit retenir et remettre les sommes prescrites par règlement à l’égard de la rémunération versée à un individu qui exerce un emploi au Canada (« Règlement 102 »).

L’ARC peut dans certaines circonstances dispenser le payeur et l’employeur de ces obligations de retenue et de remise suite à une demande de dérogation qui lui est soumise. Durant la période de service restreint, les demandes de dérogation urgentes peuvent temporairement être soumises par voie électronique et des informations supplémentaires devraient bientôt être disponibles. Par ailleurs, pour les demandes de dérogation soumises à l’ARC et qui n’ont pu être traitées dans les 30 jours en raison de l’interruption de service, l’ARC a avisé qu’elle n’établira pas de cotisation à l’égard d’une personne n’ayant pas déduit, retenu ou remis un montant tel qu’il est prévu au Règlement 105 et au Règlement 102 à l’égard d’un montant payé à une personne non-résidente visée par la demande de dérogation en question. Cet allégement n’est accordé que dans le cas où un non-résident n’aurait pas obtenu de l’ARC, en raison de l’interruption de service, une dérogation de l’obligation de procéder à une retenue d’impôt comme prévu au Règlement 105 ou au Règlement  102, et où le payeur pourrait démontrer qu’il a fait des efforts raisonnables pour garantir que la personne non-résidente avait droit à une réduction ou à l’élimination de la retenue d’impôt selon une convention fiscale en vigueur. Autrement, la personne non-résidente et le payeur doivent tous deux s’acquitter de leurs obligations de déclaration et de remise.

Au surplus, l’ARC examinera tout autre cas individuellement pour déterminer si le non-respect de la LIR peut être directement attribuable aux effets de la crise de la COVID‑19 et si cela s’avère le cas, le payeur ou l’employeur qui n’a pas retenu et remis ne sera pas cotisé.

Disposition d’un « bien canadien imposable »

Tout acheteur d’un « bien canadien imposable » (par exemple un bien immeuble situé au Canada ou des actions d’une société dont plus de 50% de la valeur est représentée par des biens immeubles situés au Canada) doit retenir et remettre un certain pourcentage du prix d’acquisition à l’ARC à moins de le non-résident n’ait avisé l’ARC avant la vente, ou dans les dix jours de celle-ci, et n’ait acquitté l’impôt résultant de la vente. Dans ces cas, l’ARC émet un certificat (le « certificat 116 ») au vendeur et à l’acheteur. En l’absence de certificat 116, l’acheteur doit remettre les sommes retenues au Receveur général du Canada dans les 30 jours suivant la fin du mois au cours duquel le bien a été acquis (la « date d’échéance de remise »). Le non-résident doit alors attendre la fin de son année d’imposition pour produire une déclaration de revenu canadienne et obtenir le remboursement des sommes retenues en trop. La non-remise des sommes retenues par l’acheteur entraîne sa responsabilité personnelle pour lesdites sommes.

La crise de la COVID-19 a entraîné l’interruption du service de traitement des demandes de certificat 116. Même si l’ARC accepte toujours les demandes de certificat 116 durant l’interruption et qu’elle ait relancé leur traitement de façon limitée, le temps de traitement est plus long que d’habitude. Si, en conséquence de ces lenteurs, le certificat 116 n’est pas émis avant la date d’échéance de remise,l’acheteur ou le vendeur peut demander que l’ARC fournisse une « lettre de confort » qui conseille à l’acheteur de conserver les fonds retenus, même si techniquement ils sont dus) jusqu’à ce que l’ARC ait terminé sa revue et jusqu’à ce qu’elle ait demandé à l’acheteur de remettre l’impôt payable. Aucune pénalité et aucun intérêt ne seront alors imposés à l’acheteur si l’impôt est remis sur demande une fois établi par l’ARC.

Un processus existe en cas d’urgence en attendant la reprise normal du service.

Autres situations

L’ARC demeure sensible à toute autre situation difficile que pourrait expérimenter un contribuable en raison de la COVID-19 ou des restrictions de voyage et est disposée à les examiner.

N’hésitez pas si vous avez des questions quant à ces mesures exceptionnelles d’allégement ou quant à leur application à votre situation, si vous avez besoin d’assistance pour soumettre votre situation ou faire le suivi nécessaire avec l’ARC ou si votre situation est autre et nécessite que nous contactions l’ARC pour discuter d’un allégement additionnel pour votre compte.

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