Suite aux annonces du Budget 2019, l’Agence du Revenu du Canada (« l’ARC ») a lancé un Groupe de travail sur l’immobilier dont la mission est de dissuader le non-respect des règles fiscales dans le marché immobilier. Le gouvernement fédéral a alloué des fonds et des ressources considérables pour examiner les transactions immobilières dans lesquelles les parties n’ont pas respecté les règles de l’art.
Voici le questionnaire (disponible en anglais seulement) de l’ARC envoyé à des personnes et des sociétés sélectionnées dans le cadre du processus de vérification. Le questionnaire est vaste, contient plus de 35 questions et demande au contribuable de fournir une documentation importante.
Ce programme de vérification des transactions immobilières
est spécifiquement ciblé et peut avoir un impact sur :
Les promoteurs et développeurs immobiliers en ce qui concerne le respect des taxes de ventes;
Les contribuables impliqués dans des activités de flips immobiliers;
Les contribuables percevant des commissions dans le secteur immobilier; et
Les contribuables qui déclarent la vente d’une résidence principale.
Compte tenu de ce qui précède, il est primordial de structurer et de planifier vos transactions immobilières en conformité avec la législation fiscale en vigueur. Si vous avez reçu une demande d’information similaire, il est recommandé de demander des conseils et des avis juridiques avant de répondre au questionnaire.
Nicolas Simard possède une vaste expérience en litige fiscal de toute nature concernant l’impôt sur le revenu, les taxes à la consommation ainsi que les divulgations volontaires. Il peut être joint au 514-397-5288.
David H. Benarroch est spécialisé dans de nombreux domaines de la fiscalité, notamment le contentieux fiscal, la conformité fiscale et la planification fiscale.
Au Québec, annuellement, l’Agence du revenu du Québec (« L’Agence ») émet plus de 1 100 000 avis de nouvelle cotisation. De ce nombre, seulement 5 à 6 % sont émis à la suite d’une vérification fiscale. À cela s’ajoute également les actions de l’Agence du revenu du Canada. Malgré ce petit nombre, la complexité et les impacts possibles de ce type de dossiers m’incitent à conseiller fortement aux entrepreneurs québécois de ne pas hésiter à consulter rapidement leurs professionnels du domaine de la fiscalité afin que ces derniers s’assurent du respect de leurs droits. Le rôle du professionnel qui accompagne son client tout au long du processus de vérification et de la contestation de l’avis de cotisation à être éventuellement émis est crucial.
La
Loi sur
l’administration fiscale, loi qui gouverne les obligations des
contribuables québécois et les pouvoirs de l’Agence, établit que celle-ci peut
procéder à une vérification fiscale et le contribuable visé doit prêter
assistance à l’employé désigné[1]. Le rôle du professionnel,
dans l’accompagnement de son client, est de s’assurer du respect des droits de
celui-ci dans ce processus.
Le
plus grand des impairs que commettent certains professionnels est d’établir un
lien de confrontation dès le départ avec le vérificateur plutôt qu’un lien de
collaboration. Il importe de savoir qu’avec ou sans la collaboration du
professionnel et celle de son client, l’Agence procédera à sa vérification
fiscale et éventuellement, à l’émission d’avis de cotisation. Fort de mon
expérience de plus de 14 ans au sein du contentieux de l’Agence et maintenant 2
ans à la défense des intérêts des contribuables, mon constat est que le plus
grand perdant, lorsque cette attitude est adoptée, est le contribuable
lui-même. Cependant, « collaboration » ne veut pas dire tout donner,
sans limite ni discussion.
Le
premier rôle du professionnel consiste notamment à déterminer avec le
vérificateur désigné l’objet de la vérification, la période initialement visée
et la durée estimée de la vérification. Revenu
Québec écrit d’ailleurs ceci au sujet des droits et obligations d’un
contribuable qui fait l’objet d’une vérification fiscale :
« Vous
avez droit à des renseignements exacts, complets, compréhensibles
et accessibles. Nous (Revenu Québec) agissons avec transparence
et vous informons des étapes que nous suivons lorsque nous travaillons
avec vous. Nous sommes en mesure de vous fournir une explication claire
en ce qui concerne chacune
de nos demandes et de nos décisions. »[2]
C’est ainsi que l’Agence doit expliquer
les demandes formulées d’information et de documents. Il n’y a pas place à une
« partie de pêche » non plus qu’il n’y a place à une « guerre de
tranchées ». Le professionnalisme doit prendre le dessus sur les émotions
créées par l’intrusion désagréable d’une vérification fiscale. d’un côté comme
de l’autre.
Lorsque le vérificateur complète son
travail de vérification et conclut qu’un avis de cotisation sera émis, il
devrait soumettre, au préalable, un projet de cotisation. C’est à ce moment
qu’il doit présenter et expliquer les modifications qu’il entend apporter, tout
en donnant les justifications nécessaires. Il faut alors écouter, prendre des
notes et rester calme. Ce n’est pas le moment de tirer sur le messager. Au
contraire, le professionnel aura droit à un délai afin de présenter sa position
et d’établir le bien-fondé ou non des points litigieux avant qu’un nouvel avis
de cotisation ne soit émis.
Le rôle de négociateur prend alors
toute son importance. Son devoir est de s’assurer, le cas échéant, que son
client n’assume que ses réelles obligations fiscales en application des lois et
règlements. C’est le temps d’user de flair, de déterminer l’ouverture à la
discussion et de bien choisir ses batailles. À cet égard, ce n’est pas
seulement pour le bénéfice du client, mais également pour la crédibilité du
professionnel. Croyez-moi, les professionnels ont beaucoup plus à perdre en
agissant de manière belliqueuse que de manière harmonieuse.
Si, malgré toute la qualité de la
représentation et des arguments soulevés, l’Agence émet un avis de nouvelle
cotisation, le contribuable bénéficie d’un délai pour le contester suivant la
forme et les formulaires fiscaux prescrits. J’aborderai ce sujet au cours d’un
prochain texte.
Tout au long de ce processus de
vérification, il ne faut jamais hésiter à faire appel aux services d’avocats
spécialisés en litige fiscal. Malgré que ce ne soit pas la majorité des
dossiers de vérification qui seront contestés auprès de la direction des
oppositions, encore moins devant les tribunaux compétents, il n’en demeure pas
moins qu’une stratégie globale constitue souvent la meilleure arme. La
juxtaposition des connaissances comptables, fiscales et légales constitue
certainement un des meilleurs atouts à une argumentation post-projet de cotisation.
De plus, les
informations discutées en cours de mandat se trouvent protégées par le secret
professionnel conféré à la relation client-avocat[3]. Cette protection n’est
pas sans importance.
Mes années passées à défendre les
intérêts de l’Agence devant les différentes instances judiciaires me donnent
une connaissance précise sur l’organisation, son fonctionnement et les manières
d’agir et de faire. N’hésitez pas à prendre contact avec moi dès le début du
processus de vérification. L’expérience et l’expertise acquises au fil du temps
dans ce genre de mandat aideront nécessairement les contribuables dans la
défense de leurs intérêts.
[1] Article 38, Loi sur l’administration fiscale, RLRQ, c. A-6.002. Voir aussi
l’arrêt de principe sur le sujet R.c. McKinlay Transport ltd [1990] 1 R.C.S.
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[2] Document : Vos droits et vos obligations à l’égard d’une vérification fiscale,
page 2 (site internet de Revenu Québec).
[3]
L’article 46 de la Loi sur
l’administration fiscalelimite
la protection du secret professionnel aux avocats et notaires, excluant
implicitement les comptables.
Dans une décision récente de la Cour du Québec (Dion c. l’Agence du revenu du Québec, 2018 QCCQ 10280), division des petites créances, l’honorable Juge Dortélus réitère à l’Agence du revenu Québec (« Revenu Québec ») l’importance d’appliquer les méthodes estimatives avec rigueur, sans excès ni exagération.
Dans cette affaire, Revenu Québec a utilisé la méthode estimative mouvement de trésorerie afin d’ajouter des revenus présumés non déclarés à Mme Dion pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008.
Initialement, le dossier de Mme Dion avait été sélectionné pour vérification dans le cadre du projet organisationnel de lutte contre l’évasion fiscale selon les « Indices de richesse ». Dans le cas particulier de Mme Dion, les indices de richesse qui avaient attiré l’attention de Revenu Québec étaient qu’elle était propriétaire d’un immeuble ayant une valeur de 352 400$ et propriétaire d’un véhicule ayant une valeur de 30 366$, ce qui, selon les propos du juge, est « une hypothèse très mince d’indices de richesse ».
Le Juge Dortélus réitère à Revenu Québec l’importance de
prendre en considération la réalité du contribuable, mais aussi d’analyser
sérieusement les motifs de contestation de celui-ci lorsqu’il y a utilisation
par les autorités fiscales d’une méthode estimative :
[39] Lorsque cette méthode indirecte de cotisation est appliquée, on doit tenir compte de la situation réelle du contribuable qui connaît et possède des renseignements dont le l’ARQ ne dispose pas. On ne doit pas écarter sans motif valable ces renseignements, ce qui semble avoir été le cas dans la situation ou Mme Dion.
Dans le cadre de l’audience, Mme Dion soulève que les
revenus ajoutés suivant la vérification ne sont pas des revenus, en démontrant,
entre autres, qu’un montant traité comme une augmentation de placement par
Revenu Québec était en fait des sommes provenant de ses comptes bancaires.
De plus, Mme Dion conteste le calcul du coût de vie
effectuée par Revenu Québec selon les données de Statistiques Canada, puisque
celui-ci ne reflète pas sa situation réelle. Mme Dion a démontré lors de
l’audience que son coût de vie réel était jusqu’à trois fois moindre que celui
calculé par Revenu Québec.
Finalement, le Juge Dortélus rappelle qu’un contribuable
continue de bénéficier de la présomption de bonne foi prévue à l’article 2805
du Code civil du Québec, et ce, même s’il fait l’objet d’une vérification selon
une méthode estimative. À cet effet, il précise que cette présomption légale
n’est pas renversée par la seule présence d’indices de richesse qui pourraient
mener les autorités fiscales à soupçonner qu’un contribuable n’aurait pas
déclaré l’ensemble de ses revenus.
Dans le cadre de l’audience, Mme Dion a été en mesure de
démontrer la non-fiabilité de la méthode utilisée par Revenu Québec et que le
calcul du coût de vie ne tenait pas compte de sa réalité. Son appel a donc été
accueilli et les avis de cotisation ont été annulés.