La récente décision de la Cour canadienne de l’impôt dans Singh v. The Queen[1] nous
rappelle l’importance pour l’administrateur d’une société de communiquer sa
démission en conformité avec les lois corporatives applicables.
Conditions d’application de la
responsabilité fiscale de l’administrateur
Selon l’article 323 de la Loi sur
la taxe d’accise[2] [et son
équivalent en impôt fédéral selon l’article 227.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada)], un administrateur est
solidairement responsable du paiement de la taxe nette impayée d’une société
s’il était administrateur au moment où la société était tenue de verser cette
somme.
L’administrateur n’encourt de responsabilité que si la société :
- a
entrepris des procédures de dissolution ou liquidation;
- a fait une
cession ou si une ordonnance de faillite a été rendue contre elle; ou
- si un
certificat a été enregistré auprès de la Cour fédérale précisant les sommes
pour lesquelles la société est responsable et qu’il y a eu défaut d’exécution
de ces sommes[3].
L’Agence du revenu du Canada (l’« ARC »)
peut ainsi cotiser un administrateur une fois les conditions remplies. Par
contre, l’ARC ne peut cotiser l’administrateur que dans les deux ans suivant le
moment où il a cessé pour la dernière fois d’être administrateur[4].
Afin d’exclure sa responsabilité, l’administrateur peut également démontrer
qu’il a agi avec autant de soin, de diligence et de compétence pour prévenir le
manquement de la société que ne l’aurait faire une personne raisonnablement
prudente dans les mêmes circonstances[5].
Affaire Singh
Dans l’affaire Singh v. The Queen, M. Singh a été cotisé par
l’ARC relativement à la TPS due par une société pour laquelle il est était
administrateur. M. Singh n’a pas soulevé lors de l’audience une défense de
diligence raisonnable, mais a soumis qu’il avait démissionné de son poste
d’administrateur en 2011, soutenant donc que la cotisation émise
en 2016 était prescrite.
Afin de démontrer qu’il a quitté son poste d’administrateur, M. Singh a
mis en preuve les documents suivants :
- lettre de
démission à titre d’administrateur signée en 2011 qui porte la mention de
transmission par messager à la société. De plus, dans le cadre de son
témoignage, M. Singh a également indiqué qu’une copie de la lettre avait
été remise à l’autre administrateur de la société, Mme Nadia Singh, son épouse;
- une copie
du registre des administrateurs démontrant que M. Singh a été nommé
administrateur en 2004 et qu’il a démissionné de son poste d’administrateur en
2011;
- une copie
de la résolution des actionnaires approuvant la démission de M. Singh;
- une copie
de la résolution des actionnaires indiquant que Mme Nadia Singh
devenait l’unique administratrice;
- le
consentement pour agir de Mme Nadia Singh.
Prétention de l’ARC
L’ARC soutenait que les preuves soumises par M. Singh n’étaient pas
suffisantes afin d’établir la démission de celui-ci à titre d’administrateur.
Afin d’appuyer sa position, l’ARC soulevait plusieurs motifs, dont le fait
qu’aucun avis de modification n’avait été produit relativement à la démission
de M. Singh en vertu de la Loi sur les
renseignements exigés des personnes morales[6] de la
province de l’Ontario.
Décision du juge
Suivant l’analyse de la Loi sur
les sociétés par actions[7](Ontario) (la « LSAO »), le juge
conclut qu’en vertu de la LSAO le mandat d’un administrateur prend fin
lorsqu’il démissionne et cette démission prend effet à la date de réception par
la société d’un écrit à cet effet, sans autre formalité[8].
Ainsi, puisque la démission de M. Singh a été faite conformément à la
LSAO, le juge accepte la preuve de démission datée de 2011 et accueille l’appel
concluant que la cotisation n’a pas été émise dans les deux ans suivant la
démission.
Conclusion
Cette affaire rappelle bien l’importance pour l’administrateur qui
démissionne de respecter les lois corporatives applicables, et que lorsque cela
est fait, l’ARC ne peut exiger plus de ce dernier en tentant de recouvrer les
sommes dues par la société.
[1] 2019 CCI 120.
[2] Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), ch. E-15.
[3] Par. 323 (2) de la Loi sur la taxe d’accise.
[4] Par. 323 (5) de la Loi sur la taxe d’accise.
[5] Par. 323 (3) de la Loi sur la taxe d’accise.
[6] Loi sur les renseignements exigés des personnes
morales, L.R.O. 1990,
chap. C.39.
[7] Loi sur les sociétés par actions, L.R.O. 1990, chap. B.16.
[8] Par. 121 (2) de
la Loi sur les sociétés par actions.