La question se pose régulièrement en matière d’indemnité de fin d’emploi : qu’est-ce qui est imposable et qu’est-ce qui ne l’est pas? Le présent texte se veut une réponse à cette question afin d’éviter, autant que faire se peut, la mauvaise surprise d’un avis de cotisation des autorités fiscales et de nouvelles discussions et/ou mésententes sur qui assumera cette nouvelle charge.
Le principe de base
Nous ne surprendrons personne en mentionnant que le principe de base en matière d’impôt est que tout revenu provenant d’une charge ou d’un emploi est imposable[1]. Selon les lois fiscales canadienne et québécoise, le traitement, le salaire ou toute autre rémunération, y compris les gratifications, sont imposables et sujets aux déductions à la source.
Comme toute règle a ses exceptions, surtout en matière d’impôts, il est possible dans des cas très limités que les sommes versées ne soient pas imposables.
En réaction aux difficultés financières causées par la pandémie de COVID-19, le gouvernement canadien a introduit en avril 2020 la Subvention salariale d’urgence du Canada (la « SSUC »), l’un des plus importants programmes fiscaux de l’histoire du pays afin d’aider les entreprises à garder ou rappeler leurs employés au travail.
Compte tenu de la crise de la COVID-19 et des interruptions de déplacement décrétées par le Canada et d’autres juridictions ainsi que par les entreprises (les « restrictions de voyage »), l’ARC a assoupli de façon temporaire sa façon d’administrer certains critères d’assujettissement contenus dans la Loi de l’impôt sur le revenu (Canada) (« LIR ») pour tenir compte de la présence « forcée » et involontaire de plusieurs non-résidents au Canada pendant une période prolongée. Personne ne sait combien de temps resteront en vigueur ces restrictions de voyage et les directives décrites ci-dessous, qui s’appliquent du 16 mars au 29 juin 2020, pourraient être prolongées par l’ARC au besoin.
Résidence réputée : règle des 183 jours
L’assujettissement d’un individu à l’impôt canadien est fonction de sa résidence fiscale, situation qui demeure essentiellement une question de fait tranchée selon des critères de rattachement établis par la common law. Par contre, et sous réserve de toute convention fiscale applicable, un non-résident qui, dans une année civile, séjourne au Canada plus de 183 jours est réputé être un résident fiscal canadien pour l’année entière et il devient donc assujetti à l’impôt canadien sur son revenu de source mondiale.
Suite aux annonces du Budget 2019, l’Agence du Revenu du Canada (« l’ARC ») a lancé un Groupe de travail sur l’immobilier dont la mission est de dissuader le non-respect des règles fiscales dans le marché immobilier. Le gouvernement fédéral a alloué des fonds et des ressources considérables pour examiner les transactions immobilières dans lesquelles les parties n’ont pas respecté les règles de l’art.
Voici le questionnaire (disponible en anglais seulement) de l’ARC envoyé à des personnes et des sociétés sélectionnées dans le cadre du processus de vérification. Le questionnaire est vaste, contient plus de 35 questions et demande au contribuable de fournir une documentation importante.
Ce programme de vérification des transactions immobilières
est spécifiquement ciblé et peut avoir un impact sur :
Les promoteurs et développeurs immobiliers en ce qui concerne le respect des taxes de ventes;
Les contribuables impliqués dans des activités de flips immobiliers;
Les contribuables percevant des commissions dans le secteur immobilier; et
Les contribuables qui déclarent la vente d’une résidence principale.
Compte tenu de ce qui précède, il est primordial de structurer et de planifier vos transactions immobilières en conformité avec la législation fiscale en vigueur. Si vous avez reçu une demande d’information similaire, il est recommandé de demander des conseils et des avis juridiques avant de répondre au questionnaire.
Nicolas Simard possède une vaste expérience en litige fiscal de toute nature concernant l’impôt sur le revenu, les taxes à la consommation ainsi que les divulgations volontaires. Il peut être joint au 514-397-5288.
David H. Benarroch est spécialisé dans de nombreux domaines de la fiscalité, notamment le contentieux fiscal, la conformité fiscale et la planification fiscale.
Dans une décision récente de la Cour du Québec (Dion c. l’Agence du revenu du Québec, 2018 QCCQ 10280), division des petites créances, l’honorable Juge Dortélus réitère à l’Agence du revenu Québec (« Revenu Québec ») l’importance d’appliquer les méthodes estimatives avec rigueur, sans excès ni exagération.
Dans cette affaire, Revenu Québec a utilisé la méthode estimative mouvement de trésorerie afin d’ajouter des revenus présumés non déclarés à Mme Dion pour les années d’imposition 2006, 2007 et 2008.
Initialement, le dossier de Mme Dion avait été sélectionné pour vérification dans le cadre du projet organisationnel de lutte contre l’évasion fiscale selon les « Indices de richesse ». Dans le cas particulier de Mme Dion, les indices de richesse qui avaient attiré l’attention de Revenu Québec étaient qu’elle était propriétaire d’un immeuble ayant une valeur de 352 400$ et propriétaire d’un véhicule ayant une valeur de 30 366$, ce qui, selon les propos du juge, est « une hypothèse très mince d’indices de richesse ».
Le Juge Dortélus réitère à Revenu Québec l’importance de
prendre en considération la réalité du contribuable, mais aussi d’analyser
sérieusement les motifs de contestation de celui-ci lorsqu’il y a utilisation
par les autorités fiscales d’une méthode estimative :
[39] Lorsque cette méthode indirecte de cotisation est appliquée, on doit tenir compte de la situation réelle du contribuable qui connaît et possède des renseignements dont le l’ARQ ne dispose pas. On ne doit pas écarter sans motif valable ces renseignements, ce qui semble avoir été le cas dans la situation ou Mme Dion.
Dans le cadre de l’audience, Mme Dion soulève que les
revenus ajoutés suivant la vérification ne sont pas des revenus, en démontrant,
entre autres, qu’un montant traité comme une augmentation de placement par
Revenu Québec était en fait des sommes provenant de ses comptes bancaires.
De plus, Mme Dion conteste le calcul du coût de vie
effectuée par Revenu Québec selon les données de Statistiques Canada, puisque
celui-ci ne reflète pas sa situation réelle. Mme Dion a démontré lors de
l’audience que son coût de vie réel était jusqu’à trois fois moindre que celui
calculé par Revenu Québec.
Finalement, le Juge Dortélus rappelle qu’un contribuable
continue de bénéficier de la présomption de bonne foi prévue à l’article 2805
du Code civil du Québec, et ce, même s’il fait l’objet d’une vérification selon
une méthode estimative. À cet effet, il précise que cette présomption légale
n’est pas renversée par la seule présence d’indices de richesse qui pourraient
mener les autorités fiscales à soupçonner qu’un contribuable n’aurait pas
déclaré l’ensemble de ses revenus.
Dans le cadre de l’audience, Mme Dion a été en mesure de
démontrer la non-fiabilité de la méthode utilisée par Revenu Québec et que le
calcul du coût de vie ne tenait pas compte de sa réalité. Son appel a donc été
accueilli et les avis de cotisation ont été annulés.